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Du nécessaire naufrage du moi

Paru initialement dans Le Monde le 24 mai 2007

Dans le monde qui nous entoure, nous nous trouvons toujours, consciemment du moins, "en pays de connaissance" ; les objets, les êtres que nous percevons sont délimités et répertoriés. Nous savons que ceci est un arbre, que c’est Jean, ou à tout le moins "un homme", qui vient à notre rencontre, etc. L’expérience est rare, et toujours troublante, de se trouver en présence de l’innommable, d’une somme brute de sensations radicalement étranges, c’est-à-dire étrangères à notre univers de choses nommées. Le cauchemar parfois affronte cet insensé, et, angoissés, nous nous hâtons d’en sortir.

« Elle s’appelle Sabine »

C’est une banalité de dire que la télévision donne à la plupart des sujets qu’elle traite une tournure émotionnelle. Mais c’est toujours intéressant de voir de quelle façon et avec quelles conséquences.
Ainsi, le documentaire Elle s’appelle Sabine, diffusé sur FR3 la semaine dernière, avait tout pour intéresser. Réalisé par Sandrine Bonnaire sur sa sœur handicapée mentale, il associait le problème très actuel de l’autisme, le désarroi des proches et la question de la pertinence des structures de soin. Avant même la diffusion du documentaire, la presse avait reformulé les choses : une jeune fille décérébrée par les psys, une sœur people, le tout sur fond d’angoisse ancestrale – le médecin rend-il fou ceux qu’il prétend soigner ?
Pourtant, le film est assez nuancé : il y est dit que l’état de Sabine s’aggrave après la mort de son frère, et que c’est la famille entière, épuisée, qui demande l’hospitalisation. Malheureusement, Mireille Dumas choisit de rediffuser juste avant le débat le moment le plus bouleversant du film: la Sabine d’aujourd’hui, mal dans son corps et qui peine à s’exprimer, en train de regarder les images de la Sabine d’hier, belle jeune fille en voyage à New York avec sa sœur. Effet assuré : comment ne pas être bouleversé, et comment résister à l’idée que ces cinq années d’hospitalisation ont été cinq années de décervelage ? Du coup, les vraies questions du débat deviennent invisibles : comment prendre en charge ces souffrances en dehors de la famille dès leur apparition ? Et avec quelles équipes gérer l’hospitalisation de ces malades qui ont un psychisme arrêté à l’enfance dans un corps d’adulte ? Faut il des services pour adultes – à cause de leur âge réel – ou des services pour enfants dans lesquels les équipes sont mieux formées à ces pathologies et aux symptômes par lesquels elles s’expriment ?
Les média n’aiment pas laisser une question en suspend. « Des réponses, toujours des réponses, rien que des réponses » semble leur devise. C’est pourquoi ils utilisent autant le levier émotionnel. Parce que les émotions nous incitent à penser dans un seul sens. Pas forcément faux, mais dans un seul sens. Du coup, elles nous privent de notre ambivalence et du travail intérieur que nous sommes obligés d’accomplir pour la résoudre. Bien sûr, même sans télévision, nous sommes tentés de prendre ce chemin. Mais elle savonne sacrément la pente !

« Elle s’appelle Sabine »

C’est une banalité de dire que la télévision donne à la plupart des sujets qu’elle traite une tournure émotionnelle. Mais c’est toujours intéressant de voir de quelle façon et avec quelles conséquences.
Ainsi, le documentaire Elle s’appelle Sabine, diffusé sur FR3 la semaine dernière, avait tout pour intéresser. Réalisé par Sandrine Bonnaire sur sa sœur handicapée mentale, il associait le problème très actuel de l’autisme, le désarroi des proches et la question de la pertinence des structures de soin. Avant même la diffusion du documentaire, la presse avait reformulé les choses : une jeune fille décérébrée par les psys, une sœur people, le tout sur fond d’angoisse ancestrale – le médecin rend-il fou ceux qu’il prétend soigner ?
Pourtant, le film est assez nuancé : il y est dit que l’état de Sabine s’aggrave après la mort de son frère, et que c’est la famille entière, épuisée, qui demande l’hospitalisation. Malheureusement, Mireille Dumas choisit de rediffuser juste avant le débat le moment le plus bouleversant du film: la Sabine d’aujourd’hui, mal dans son corps et qui peine à s’exprimer, en train de regarder les images de la Sabine d’hier, belle jeune fille en voyage à New York avec sa sœur. Effet assuré : comment ne pas être bouleversé, et comment résister à l’idée que ces cinq années d’hospitalisation ont été cinq années de décervelage ? Du coup, les vraies questions du débat deviennent invisibles : comment prendre en charge ces souffrances en dehors de la famille dès leur apparition ? Et avec quelles équipes gérer l’hospitalisation de ces malades qui ont un psychisme arrêté à l’enfance dans un corps d’adulte ? Faut il des services pour adultes – à cause de leur âge réel – ou des services pour enfants dans lesquels les équipes sont mieux formées à ces pathologies et aux symptômes par lesquels elles s’expriment ?
Les média n’aiment pas laisser une question en suspend. « Des réponses, toujours des réponses, rien que des réponses » semble leur devise. C’est pourquoi ils utilisent autant le levier émotionnel. Parce que les émotions nous incitent à penser dans un seul sens. Pas forcément faux, mais dans un seul sens. Du coup, elles nous privent de notre ambivalence et du travail intérieur que nous sommes obligés d’accomplir pour la résoudre. Bien sûr, même sans télévision, nous sommes tentés de prendre ce chemin. Mais elle savonne sacrément la pente !

Le secret professionnel: de l’orgueil à la honte

Les travailleurs du nucléaire sont aujourd’hui en crise (1) . La généralisation de la sous-traitance et la course aux bénéfices des actionnaires conduit à une réduction des opérations de maintenance qui met en péril la sécurité. Beaucoup de ces travailleurs sont obligés d’accepter de cautionner des pratiques qu’ils savent être terriblement dangereuses pour leurs concitoyens. Leur situation est d’autant plus compliquée qu’ils ont été d’emblée impliqué dans le secret. Dès ses débuts, l’industrie nucléaire leur a en effet demandé la discrétion vis à vis d’un public globalement hostile. Ils ont accepté cette situation, mais aujourd’hui, la situation se dégrade. Les secrets de leurs technologies, de bons et glorieux qu’ils étaient, sont devenus une cause d’inquiétude, voire de culpabilité. Certains se demandent : « Faut il continuer à se taire alors que les risques pour la population sont de plus en plus importants ? »
A un moment où un nombre incroyable d’âneries se racontent sur les secrets, cet exemple rappelle qu’il n’existe pas de « bons » ou de « mauvais » secrets et que tout est affaire de circonstances. Mais cette situation vient aussi attirer l’attention sur une forme nouvelle de maladie professionnelle : le secret d’entreprise. Les conséquences physiques des radiations auxquelles sont soumis les travailleurs du nucléaire sont connus depuis longtemps, même si elles restent souvent insuffisamment prises en compte. Aujourd’hui, le problème est d’une autre nature. C’est la légitimité du secret qu’on leur demande de garder qui est en cause. Certains, comme chez Renault, y répondent par un suicide. Une façon, aussi, de s’imposer le secret quand il est impossible de continuer à se taire.

(1) Ce texte est inspiré par un projet de téléfilm développé par Alain de Halleux.

La clé des espaces virtuels

Cet été, le mauvais temps aidant, j’ai voyagé dans les espaces virtuels. J’y ai découvert que l’avatar y est aussi indispensable pour y entrer et y interagir que notre numéro de carte bancaire pour retirer de l’argent à un distributeur.
Le mot provient de la religion hindouiste, où il désigne les diverses incarnations du dieu Vishnou sur la terre. Nos technologies numériques sont plus modestes : l’avatar y est la figurine plus ou moins stylisée chargée de nous représenter sur les écrans. Il peut être réduit à une sorte de logo ou enrichi d’un grand nombre de détails personnels. Les petits personnages de MSN qui permettent de repérer si notre interlocuteur est « présent » ou « absent » sont les plus connus. Les plus complexes sont les créatures fantastiques des jeux vidéo par lesquels les joueurs explorent les espaces et interagissent. Mais les étoiles par lesquelles chaque usager d’un site de vente en ligne comme eBay se rend « visible » aux autres en font également partie. Les avatars sont véritablement nos ambassadeurs dans les mondes virtuels.
Le problème est évidemment celui de la place que nous sommes prêts à leur donner. Pour certains, ils ne sont qu’une sorte de clé pour accéder aux espaces qu’ils souhaitent découvrir. Mais pour d’autres, ils sont beaucoup plus : une jeune femme adepte de Second life m’expliquait un jour qu’elle aimait plonger son avatar dans un jacouzi virtuel parce qu’elle « sentait les bulles la chatouiller » !
Sous des allures provocatrices, le problème posé par cette remarque est en fait aussi vieille que les effigies. L’héroïne du film de Bunuel La vie secrète d’Archibald de la Cruz pousse un cri quand le héros touche les seins du mannequin de cire grandeur nature qui la représente ! Est-ce un nouvel épisode des « fluides » du baquet de Messmer, et l’identification aux avatars serait il une nouvelle façon d’être « hystérique » ?

 

Mort de Jacques Schotte ou la pensée rebelle

Guy Duplat | La Libre Belgique |  20-09-2007

Psychiatre et psychanalyste, il était un des esprits les plus brillants des années 60 et 70.

Avec la mort, mardi à Gand, de Jacques Schotte, c’est une des pages les plus brillantes et les plus excitantes intellectuellement de ces dernières années qui se tourne. Jacques Schotte fut, dans les années 60 et 70, un extraordinaire stimulant de l’esprit, un agitateur d’idées, un enseignant hors pair à l’UCL qui passionnait ses auditoires en leur ouvrant, entre autres, les chemins de la psychanalyse, de Freud à Lacan et Szondi. Il pouvait tenir ses étudiants en haleine cinq heures d’affilée sans un moment de lassitude. Il brassait tant de concepts qu’il s’aidait d’incessants mouvements corporels comme pour les rassembler. Esprit anticonformiste, il était hiver comme été, en toutes circonstances, pieds nus dans des sandales.

Meetic, la fausse rencontre

Le site de rencontres en ligne Meetic a mené cet été une campagne publicitaire sur le thème : « Les règles du jeu ont changé ». Il voulait attirer l’attention sur le fait qu’avec ses services, tout serait plus facile. Rien n’est moins sûr. La rencontre amoureuse ne connaît peut-être pas les mêmes écueils, mais elle en connaît d’autres.
L’éveil amoureux passe souvent par un regard, un geste, une posture et c’est seulement ensuite qu’on commence à se parler. Et tout le temps qu’on se parle, la séduction continue à opérer par les regards, les gestes, les mimiques, les attitudes… Mais aujourd’hui, sur Meetic, des gens qui ne se voient pas se parlent pour essayer de savoir si cela vaut la peine de se rencontrer. C’est croire qu’il suffirait de questionner l’autre sur lui et de parler de soi pour se désirer et c’est évidemment un leurre.
La difficulté se révèle en général au moment de la rencontre. Comment la gérer quand les préliminaires sociaux n’ont engagé que le texte des paroles échangées et rien d’autre ? Comment oublier tout ce qui a été dit et se rendre soudain sensible à l’imprévu d’un regard, d’un sourire, d’un frisson ? Quand on a déjà échangé tant de choses sans jamais se caresser du regard et se frôler de la voix, par où continuer ? Les rituels traditionnels de la séduction donneraient l’impression de jouer à ceux qui ne se connaissent pas. Mais décider de passer à l’étape qui suit les préliminaires – celle de la rencontre sexuelle – ne pose pas moins de problème : les rituels préliminaires qui apprivoisent les corps et les encouragent à se faire confiance n’ont pas eu lieu. La rencontre sexuelle paraît l’aboutissement logique, mais en même temps elle est forcément redoutée. Il faudrait accepter de reprendre les choses dès le début.
Le premier site de rencontre en ligne qui saura proposer un mode d’emploi de la première rencontre « live » aura probablement un franc succès, tant la demande est grande… Et tant pis si les conseils donnés ne sont pas suivis d’effets !

Beautés et transfert | Annie Franck

Annie Franck, « Beautés et transfert », Coll. « Psychanalyse », Editions Hermann, 2007, 104 p., 16 euros.

Une rencontre « fusionnelle » entre psychanalyse et art.

Dans son ouvrage de 1900 sur le « rire », le philosophe Bergson accorde une place centrale à la création artistique et à l’expérience esthétique, moyens d’accéder, selon lui, à la vérité ultime de l’objet. La psychanalyste Annie Franck emprunterait-elle un chemin similaire dans son ouvrage « beautés et transfert » lorsqu’elle exprime, paraphrasant Malraux, sa volonté de « rechercher la région cruciale de l’âme » ?