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Le souvenir et le lien
Comme l’an dernier, j’irai bientôt passer quelques semaines dans un petit village italien. Des amis m’en vantaient les avantages depuis longtemps avec photos à l’appui, mais j’avais toujours hésité à m’y rendre. J’y pense aujourd’hui et, curieusement, les premières images qui me viennent à l’esprit sont celles que j’en avais imaginé quand mes amis m’en parlaient. Je les remplace évidemment bien vite par le souvenir des moments que j’y ai réellement vécus, mais ces images ne se laissent pas chasser si facilement. Elles reviennent toujours et se mêlent aux autres. En fait, j’ai trouvé l’endroit beaucoup plus attrayant que je ne l’avais imaginé quand mes amis m’en parlaient. Ils mettaient en avant ce qui correspondait à leurs attentes et à leurs désirs, et qui ne correspondaient pas forcément aux miens. Le problème est que je ne peux pas m’empêcher de continuer à imaginer ce lieu à travers leurs yeux. Il faudra sans doute que j’y retourne plusieurs fois pour chasser ces faux souvenirs.
Depuis Freud, nous nous sommes familiarisés avec l’idée qu’un événement désiré et imaginé peut être confondu avec le souvenir d’un événement réellement vécu. Nous sommes aujourd’hui obligés de faire un pas de plus : un événement qui nous est raconté à travers le prisme du désir d’un autre peut produire chez nous des représentations qu’il nous sera ensuite difficile de distinguer de celles que nous nous serons formées dans une situation semblable. Et cette source de confusion sera encore plus grande lorsque l’événement ne nous aura pas été seulement raconté, mais mis en scène sous nos yeux à travers des images. Autrement dit, nos souvenirs se nourrissent à trois sources : nos expériences réelles, nos fantasmes de désir et les représentations de nos proches. Ces trois sources ne sont pas juxtaposées, mais étroitement intriquées. C’est pourquoi nous pouvons prendre un fantasme de désir pour le souvenir d’un événement vécu, comme nous l’a montré Freud, mais aussi confondre le souvenir d’un autre avec un souvenir personnel. C’est un aspect, parmi d’autres, de la psychanalyse des liens. Elle est appelée, dans un avenir proche, à compléter celle que nous connaissons aujourd’hui.
« Bon, alors, nous n’allons pas l’interdire… »
Un externat médico éducatif de la banlieue ouest de Paris a eu l’idée de proposer aux jeunes de l’établissement d’écrire des textes et de les chanter à l’occasion de la fête de fin d’année. Le jour venu, le représentant du Maire fut invité comme à l’accoutumée. Les textes des diverses chansons écrites par les enfants lui furent remis, tout comme aux parents, afin qu’ils puissent en suivre les paroles. Il y en avait un intitulé « Le pouvoir des fleurs », mais aussi, du fait des élections présidentielles, un autre au titre moins attendu, « Les élections ». Les enfants de cette banlieue, nombreux à vivre dans des familles immigrées pauvres, y avaient évoqué la violence et la paix, mais aussi « la médecine à deux vitesses », « la difficulté d’avoir un toit » et « les lois qui ne changent pas, malgré l’énergie qu’on déploie ». En découvrant ce texte, le représentant du Maire alla immédiatement voir le directeur de l’établissement pour exprimer son désaccord. Il était convaincu que seuls les éducateurs avaient pu rédiger un tel texte et qu’il était une machine de guerre tournée contre l’équipe municipale. Il fallut lui expliquer que cette chanson écrite par les jeunes reflétait seulement leur état d’esprit au moment des élections présidentielles, et qu’elle ne concernait absolument pas les élections à venir. Sa réaction fut alors la suivante : « Bon, alors, nous n’allons pas l’interdire… ».
La morale de cette histoire est que certaines histoires se passent de toute morale…
Yves Leterme et les trois leçons d’un lapsus
Ce texte est paru dans Le Soir du 24 juillet 2007
Ce 21 juillet, jour de fête nationale, invité par un journaliste à chanter la Brabançonne, Yves Leterme, représentant des intérêts flamands et formateur du gouvernement, entonne l’hymne national français !
Le ludo éducatif expliqué aux parents
Les vacances arrivent, et avec elles, la liberté donnée aux enfants de passer plus de temps sur leurs jeux vidéo. Pour les plus petits, ce sera peut-être le ludo éducatif. Mais en quoi est-ce utile de vouloir mettre nos petits devant un ordinateur ? Rien ne s’apprend en effet ainsi qui ne puisse s’apprendre autrement. En outre, avant cinq ans, l’enfant a d’abord besoin de bras pour le tenir, de sourires partagés et de mots pour accompagner sa découverte du monde. A partir de cinq ans, en revanche, il existe deux bonnes raisons d’avoir recours au ludo éducatif.
Le première est d’intégrer l’activité jeux vidéo dans la vie de l’enfant en la cadrant d’emblée. Si les parents veulent pouvoir limiter plus tard l’usage des ordinateurs, ils doivent commencer à s’y employer très tôt.
Mais l’intérêt majeur du ludo éducatif est que les parents – et les grands parents – s’initient eux-mêmes à cette pratique. Ses principaux bénéficiaires, ce sont eux ! Ils découvrent comment utiliser une souris et un pointeur, déplacer un personnage, chercher des objets, bref, explorer un espace virtuel…
Mais en proposant ces logiciels à leurs rejetons, ils ne font pas que découvrir ce nouveau monde. Ils leur montrent aussi l’intérêt qu’ils y portent. Beaucoup d’enfants qui s’engagent dans les jeux vidéo ont en effet l’impression qu’il s’agit d’une activité incompréhensible aux adultes et dont il vaut mieux ne pas essayer de leur parler. Si les parents encouragent les logiciels ludo éducatifs chez leur jeune enfant, celui-ci découvre l’intérêt qu’ils portent à cette activité. Du coup, il les prendra probablement plus facilement comme interlocuteurs de ses activités ultérieures de joueur. Quant aux parents, ils seront plus facilement disponibles pour encourager leur enfant sur la voie de l’expression verbale et de la socialisation de ses éprouvés ludiques.
L’Inconscient dans la famille | Jean-Georges Lemaire
Jean-Georges Lemaire, « L’inconscient dans la famille », Coll. « Inconscient et culture », Editions Dunod, 2007, 230 p., 26 euros.
Toute psychanalyse individuelle fait intervenir à un moment ou un autre, l’histoire des relations inconscientes avec les autres membres, proches ou éloignés, de la famille du patient. Place interdite ou déjà occupée dans une fratrie encombrée ou recomposée, ambiance incestueuse des rapports pervers de filiation ou, plus simplement, enfant symptôme du couple qui se déchire. L’idée de formaliser, dans un processus thérapeutique, cette prise en compte de la dimension familiale constituerait en quelque sorte la conjonction entre les cures d’adultes et celles des enfants menées, dès l’époque de Freud, par sa fille Anna et par Mélanie Klein. Pour les auteurs de « L’inconscient dans la famille », publié récemment aux Editions Dunod, c’est le texte de Freud sur le « Petit Hans » qui porte le « modèle », « très atypique » selon eux, de la thérapie familiale.
Sexualité infantile, Oedipe, crime sexuel – Entretien avec Jean Laplanche
Extraits d’un entretien de Jean Laplanche avec Alberto Luchettti (Lanzarote, juillet 2006) le texte complet est disponible en format pdf
AL : Vous disiez que la «situation anthropologique fondamentale» [NDLR : la confrontation, lors des soins précoces, entre un adulte doté d’un inconscient sexuel refoulé et un enfant qui en est encore dépourvu] met l’enfant en situation d’avoir quelque chose à traduire, mais qu’elle expose aussi l’adulte à sa propre sexualité infantile.
JL : Oui, bien sûr. L’adulte lui-même est ignorant de la sexualité infantile qu’il véhicule. Tout au moins dans les cas mineurs, dans les cas normaux ou névrotiques. Je ne parle pas des cas psychotiques, pervers, où la sexualité infantile fait explosion dans le comportement, ce qui est un tout un autre cas.
AL : Un autre souci contemporain trouve place dans vos écrits : celui du crime sexuel et aussi de l’inceste. Vous avez dit : dès le moment où l’on soutient que la sexualité infantile n’est pas innée, mais qu’elle surgit – comme le fantasme – au sein d’un dialogue adulte-enfant, dans lequel l’initiative sexuelle vient de l’adulte, alors on est amené à revoir complètement la perspective du crime sexuel.
« Ecrit par l’auteur »
Les consommateurs, dont les lecteurs de livre psy font partie, veulent aujourd’hui moins de démonstration et plus d’émotions. Mais si seuls étaient publiés les psychiatres sachant écrire de cette façon, la machine à produire du livre psy serait vite enrayée ! Alors cette machine a inventé le psychiatre écrivain qui n’écrit pas.
Beaucoup de journalistes sont capables aujourd’hui d’écrire d’excellents livres de psy destinés à un large public : il suffit de réécrire la littérature existante ! Mais le lecteur veut avoir affaire à un auteur, et c’est encore mieux s’il peut imaginer son style de vie. Le journaliste couplé à un psychiatre est chargé de réaliser cette mise en scène, qui est aussi une sorte de « mise en vie » d’un auteur virtuel.
Quatre à cinq interviews du psy – voire un week-end dans un hôtel de luxe avec son « nègre » – sont sa seule contribution au livre qui portera son nom. Pour le journaliste chargé de l’écriture – ou plutôt la journaliste, car la profession est plutôt féminine -, c’est une année de travail. Quelques éditeurs font apparaître son nom – pas tous -, mais parfois si petit qu’il faut être initié pour le repérer.
Pour les domaines qu’il n’a pas voulu ou pas pu aborder, la journaliste va chercher les informations chez d’autres auteurs et les ramène sous la plume du psy virtuel. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas faire un ouvrage collectif, me direz-vous ? Parce que cela ne se vend pas, tous les éditeurs vous le diront !
Parfois, la même situation se reproduit avec la presse. Le livre est écrit d’une façon qui séduit les journalistes – et pour cause puisqu’il est écrit par l’un d’entre eux –, la rédaction d’un hebdomadaire demande un article, un journaliste s’y colle. Mais voilà. Le psy maîtrise mal le livre qu’il est censé avoir écrit, il se contente d’anecdotes, ou bien parle d’autre chose… Et que croyez-vous qu’il advienne ? Le plus souvent, le journaliste se sent coupable de n’avoir pas su mener l’interview… et écrit lui-même le papier en s’inspirant du livre ! Le psychiatre qui n’a pas écrit devient ainsi un interviewé qui n’a pas répondu.
Faudra-t-il créer un label « écrit par l’auteur » comme une sorte d’appellation contrôlée ?
I.V.G.
Ce texte est paru sur freud-lacan.com le 14-05-2007
Une étude récente de gynécologues-obstétriciens (1), mentionnée dans Le Monde du 7 décembre 2006, reprise dans le bulletin du Conseil de l’Ordre des Médecins du 3 Mars 2007 rappelle la stabilité du nombre d’Intervention Volontaires de Grossesse chez des mineures, en dépit du développement de l’information sur les méthodes contraceptives : en 2004, 13 400 I.V.G. ont été pratiquées (2). Les résultats de cette étude méritent notre attention car ils cherchent à expliquer cette stabilité en rapportant les facteurs de causalité à un discours scientifique qui en élude la portée symptomatique. Ils relèvent trois facteurs :
Génocide et transmission
Hélène Piralian-Simonyan s’entretient avec Jérémy Tordjmann pour Arte (19-06-07)
Selon Hélène Piralian-Simonyan, en niant la réalité du génocide de 1915, la Turquie empêche tout travail de deuil des Arméniens et entretient, dans cette communauté, un traumatisme persistant.
Objets blessés : un si long détour
L’exposition que le musée des Arts Premiers consacre aux objets blessés d’Afrique est l’occasion pour certains de s’émerveiller, et pour d’autres de se souvenir. Un ami m’écrit : « Cela me fait un effet tout à fait étrange. J’ai côtoyé ces objets: calebasses, bassines en plastique, marmites, fourneaux, chaussures… tout semble se réparer en Afrique. Il y a même un mot wolof pour cela : "dabadakhr" (orthographe très approximative) et qui est pratiquement intraduisible : calfeutrage, pansement, rustine avec l’idée qu’il s’agit d’une opération de fortune. Il y a aussi une façon de prendre les objets, de les utiliser, qui est tout à fait différente de ce que l’on fait ici. Peut être est ce dû simplement à une ruralité que l’on a tendance à oublier en France ? Les paysans français des années 20 réparaient ils leurs objets de la même manière que les sénégalais d’aujourd’hui ? »
Je lui réponds : « Rassurez-vous. Quand j’étais enfant, dans ma famille, tout se réparait encore. Je n’ai hérité de mon grand-père qu’une grande boîte pleine de ficelles, de fil de fer, de rustines et de lanières de cuir qui lui servaient à réparer un peu tout. » Et ma réponse est l’occasion de me souvenir à mon tour. J’ai vu les gilets détricotés pour en faire de nouveaux, les chaussettes et les chaussures rapiécées, les casseroles et les bouillottes métalliques rafistolées.
La France a-t-elle besoin de passer par l’Afrique pour retrouver son propre passé ? Il le semble bien. Pendant les » trente glorieuses », notre société s’est fâchée avec ses propres objets blessés. Elle a tort. Ils disent la fatigue, l’usure, la pauvreté, mais aussi la vieillesse et les blessures assumées. Au contraire, les objets régulièrement changés pour être toujours neufs sont une façon de nier l’usure du temps et les ruptures de la vie. Nos objets quotidiens ont ce pouvoir parce qu’ils sont le support d’une symbolisation de nos expériences du monde, et, à ce titre, ils peuvent nourrir un savoir sur soi tout autant qu’une cécité.
Une société qui utilise des objets blessés est une société qui accepte ses blessures. Une société qui exalte le chrome, la peinture laquée et les peaux uniformément lisses court le plus grand risque de les refuser. C’était déjà la leçon du film Mon oncle de Jacques Tati. Freud avait un mot pour désigner cela, le clivage.
(1) Yann Leroux, psychologue et blogeur : http://yann.leroux.free.fr